Conte maritime
L’écume saline marquait comme à son habitude la césure entre l’univers marin et celui bassement terre à terre de la côte. Dans sa danse d’amour avec l’élément terrestre, la mer fécondait le rivage de son inépuisable énergie. Puis lasse, elle se retirait, laissant la terre se reposer, reprendre des forces pour la prochaine danse. On en était à l’un de ces intermèdes réguliers quand la situation changea. Profitant du retrait de la mer, les petits animaux du rivage, condamnés à vivre au milieu de cette incessante parade amoureuse, se levèrent en masse pour protester contre cet état de fait.
Ils sortirent de la vase nourricière où ils reposaient d’habitude et entamèrent une longue marche de protestation le long des flots que chanta naguère le poète mieux que je ne pourrais jamais le faire, c’est pourquoi je m’en abstiens.
Ainsi donc la marmaille glapissante se levait pour dénoncer l’irrésolution de la mer. Tous était présent, depuis le ver de mer le plus insignifiant jusqu’au tourteau dont la carapace imposante donnait un air de charge de division blindée à la caravane pacifique bien que vindicative, en passant par les bigorneaux, les Bernard l’Hermite et toutes sortes de coquillages qui composent d’habitude la faune côtière et accessoirement le repas des pécheurs.
Et tout ce beau monde parcourait le littoral aux cris de « la marée y en a marre », « la côte a les idées larges », « refus du reflux », « le large a la côte », etc… et brandissant des panneaux sur lesquels ont pouvait lire l’exaspération de la part du littoral d’être marginalisé, sans cesse rejeté entre la terre et la mer, ballotté par les éléments.
Ce petit monde fit tant et si bien qu’il fini par réveiller l’un des premiers dieux, un de ces dieux à l’origine du monde. Ce dieux vrai dormait paisiblement sous un conoïde de Plucker dont le vaste ombrage lui assurait une sieste paisible et reposante. Gêné dans son sommeil, il s’en fut vers les contestataires et écouta leurs doléances.
Alors que la discussion s’enlisait, la marée revint et balaya la contestation.
« Bof » déclara le vrai dieu puis il retourna sous son conoïde.
Il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre.
Jean B.
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